La sécurité psychologique

Je partage avec toi une théorie éclairante sur la dynamique de groupe.

Si je ne devais en garder qu’une pour le travail de groupe, ce serait celle-ci.

Peur et sécurité

Lorsque nous sommes dans un groupe, nous avons un certain nombre de peurs qui tournent autour du rejet.

La peur d’être jugé, de passer pour un incompétent, de poser des questions bêtes, d’avoir une mauvaise réputation, de se tromper, peur du conflit ou du désaccord etc…

Le problème, c’est que les actions facilitant la performance, la créativité et l’apprentissage sont aussi des actions potentiellement anxiogènes et risquées. Comme :

Poser des questions
Demander de l’aide
Demander du feedback
Expérimenter des actions ou stratégies nouvelles

Par conséquent, l’individu est tenté de gérer l’image qu’il renvoie au groupe pour limiter la casse.

Il va éviter de prendre trop de risques s’il anticipe que dans un groupe donné ses comportements peuvent générer du rejet ou de la désapprobation.

LEÇON #1 : Dans un contexte de sécurité, on a moins besoin de se protéger.

L’énergie n’est plus allouée à la défense, mais au fait d’avoir des actions utiles individuellement et collectivement.

Dans un climat d’insécurité psychologique, la personne va uniquement adopter des comportements de sécurité.

C’est-à-dire, ceux qui sont sans risques et « approuvés » socialement.

Elle adopte ainsi une posture de protection plutôt que d’exploration.

Ce qui freine l’apprentissage individuel et collectif, la possibilité de faire remonter les erreurs, la créativité et la performance.

Sécurité psychologique : définition

La sécurité psychologique c’est donc pouvoir instaurer dans un groupe, le sentiment que ces comportements ne sont pas risqués en termes d’estime personnelle ou de place dans le groupe, et qu’ils sont même encouragés.  

La chercheuse Amy Edmondson observe qu’il y a d’énormes différences entre les équipes, quand il s’agit d’adopter des comportements pour lesquels les conséquences sont incertaines, ambiguës ou potentiellement menaçantes pour l’image de soi.

La sécurité permet aussi une meilleure tolérance face à l’ambiguïté et l’incertitude dans les projets nouveaux par exemple.

Car en cas de difficultés ou d’échecs, la personne ne s’attend pas à un jugement, mais à du soutien.

LEÇON #2 : Dans des environnements ayant un haut niveau de sécurité psychologique, les erreurs ne sont pas retenues contre les gens, et on peut demander de l’aide sans être disqualifié.

La sécurité psychologique c’est comment une équipe anticipe un risque ou des conséquences graves face à la prise d’initiative.

Il s’agit des règles et des normes implicites concernant le fonctionnement de l’équipe de ce qui se fait ou ne se fait.

« Si je demande de l’aide (comportement), alors je vais être ridiculisé devant l’équipe (conséquence aversive) »

Distinction avec la cohésion de groupe

La sécurité psychologique n’est pas forcément de la cohésion de groupe.

Car la cohésion peut même nuire à la sécurité psychologique.

En effet, s’il y a beaucoup de cohésion, cela peut freiner le fait de donner du feedback concernant des points d’amélioration, de peur de froisser l’autre.

La cohésion renvoie plutôt à la proximité.

Alors que la sécurité renvoie à l’absence de risque face à la participation et à la prise d’initiative.

L’idéal est que les deux puissent coexister dans une équipe.

Les bénéfices de la sécurité psychologique

les effets de la sécurité psychologique

Etudes scientifiques sur la sécurité psychologique

Amy Edmondson est professeur de leadership à la Harvard Business School.
Elle a exploré l’effet de la sécurité psychologique sur 51 équipes en entreprise.
Mais aussi dans des équipes médicales réalisant des interventions chirurgicales innovantes et complexes.
  • Au niveau de l’entreprise : les données indiquent que la sécurité psychologique facilite l’apprentissage d’équipe et la performance.
  • Une étude de Google en 2012 (Projet Aristote) indique que ce qui fait le plus la différence entre ses équipes les plus performantes et les autres est la présence d’un climat de sécurité psychologique.
  • Au niveau des équipes médicales :
    • Lorsque la sécurité psychologique est présente, les membres de l’équipe communiquent plus (y compris pour mentionner des erreurs du chirurgien) et le taux de réussite des opérations est plus élevé.
    • A l’inverse pour les équipes avec moins de sécurité psychologique, il est plus difficile de parler, même quand une personne suspecte que quelque chose se passe mal.

Sécurité psychologique et apprentissage

Exemple dans le domaine scolaire

Si se tromper ou ne pas savoir devant la classe est associé à des moqueries et jugements de la part de l’enseignant ou des élèves, cela génère des comportements de protection coûteux qui limitent l’apprentissage et la participation :
  • Eviter de prendre la parole
  • Parler uniquement lorsqu’on est sûr d’être juste et ne pas bénéficier du feedback sur les points de doutes
  • Lire ses notes pour se sécuriser pour ne pas prendre le risque d’oublier une phrase, mais passer à côté d’un discours vivant et connecté au public.

Apprendre nécessite d’agir, d’accepter de se tromper et de bénéficier d’un maximum de feedbacks pour progresser.

La sécurité participative facilite aussi l’apprentissage collectif en ouvrant la communication, les feedbacks et l’expression des préférences de chacun.

Cela permet d’avoir une représentation commune des tâches à effectuer et facilite ainsi la coordination.

Les comportements de protection inhibent l’apprentissage et la performance.

Car dans un climat d’insécurité, il devient préférable de se protéger plutôt que d’apprendre.

Apprendre demande d’être vulnérable.

Cela demande d’oser se tromper pour progresser.

La stratégie d’auto-handicap

Cette stratégie est utilisée lorsque la personne a tellement peur de se donner à fond et d’échouer qu’elle préfère se mettre un handicap toute seule (comme travailler à la dernière minute).
Car cela lui donnera une bonne explication externe en cas d’échec.
Cette protection de l’estime de soi est très couteuse.
En effet, le moteur ne tourne qu’à moitié de son potentiel et cela maintient la personne dans une dynamique de difficulté et d’échec.

L’apprentissage est un processus itératif continu qui alterne des phases d’action, de réflexion et d’ajustement.

La sécurité psychologique va faciliter le déroulement de ces 3 phases d’apprentissage :

  • Phase d’action : oser agir et se tromper, prendre plus d’initiatives, tester des manières différentes de fonctionner.
  • Phase de réflexion : oser proposer de nouvelles idées, oser poser des questions ou émettre des doutes et des critiques, oser demander des retours et en donner, oser exprimer ses besoins et préférences, oser exprimer les difficultés et erreurs.
  • Phase d’ajustement : oser tirer des enseignements et admettre les erreurs pour faire différemment.

Sécurité psychologique au travail

Le processus d’apprentissage ne s’installe pas automatiquement dans une équipe.

Cela dépend de la manière dont le leader l’implémente et le rend systématique et concret.

Exemple tiré du domaine médical

La façon dont un médecin réagit est cruciale lorsqu’une infirmière exprime un doute sur la posologie d’un médicament et lui demande son avis.

S’il réagit en l’humiliant pour son ignorance ou parce qu’il n’a pas le temps, cela encourage l’infirmière à ne plus le solliciter et à se débrouiller toute seule, quitte à prendre le risque de se tromper.

La sécurité psychologique est le carburant de l’apprentissage.

Cependant, le carburant ne suffit pas seul à faire avancer la voiture de l’apprentissage.

Cela nécessite un moteur solide.

Il est donc crucial de mettre en place ce moteur en structurant et systématisant le processus d’apprentissage :

  • En planifiant des temps formels d’apprentissage collectif : avec débriefing, échanges et enseignements (retour sur des situations réussies ou échouées) par le biais de questions guidantes : « Qu’avons-nous appris ? Que pouvons-nous améliorer ? Que devons-nous changer ? Que pouvons-nous faire différemment ?»
  • En allouant des temps de pratique, de simulation et d’entraînement : Les équipes médicales les plus efficaces sont celles qui ont réalisé des entraînements et des simulations d’opération afin d’améliorer la coordination, anticiper les problèmes et réagir plus rapidement.

Sécurité psychologique et créativité

Comment sont accueillies les nouvelles idées dans une équipe : Sont-elles critiquées d’emblée ? Doivent-elles forcément être pertinentes pour être accueillies positivement ?

La créativité c’est la capacité à penser différemment et à générer de nouvelles idées, possibilités ou stratégies.

Parmi ces nouvelles idées, la plupart ne seront ni pertinentes ni adaptées au contexte.

Mais peut-être que toutes les 50 nouvelles idées, une bonne peut apparaître et faire une énorme différence.

Pour fluidifier le processus de créativité, il est donc essentiel d’autoriser les nouvelles idées (y compris les mauvaises) sans censure, menace ou réprobation.
Sans quoi les nouvelles bonnes idées ne pourront jamais naître.

Sécurité psychologique et thérapie

Créer un espace de sécurité psychologique est FONDAMENTAL dans le métier de psychologue.

Cela permet aux patients de s’ouvrir aux aspects les plus inconfortables de leurs expériences.

De lâcher progressivement les défenses et d’expérimenter d’autres postures.

Sans cette sécurité, la personne ne s’ouvre pas et le travail ne peut pas prendre.

Cette sécurité est tout aussi fondamentale dans n’importe quel groupe humain :

dans une équipe professionnelle, dans une classe à l’école, dans une famille…

Passe de la compréhension à l’intégration
avec les prochaines formations


Sécurité psychologique et performance


La sécurité psychologique permet également de se fixer des buts élevés et de s’engager dans un processus d’apprentissage continu avec créativité pour mieux les atteindre.

Sans cette sécurité psychologique, les individus évitent les buts ambitieux et les nouveaux objectifs incertains pour lesquels aucune stratégie déjà validée/sécurisée n’existe.

LEÇON #3 : Les études portant sur les erreurs médicales indiquent que les équipes avec le plus de sécurité psychologique ont un meilleur taux de détection des erreurs.

Car elles savent mieux coopérer, communiquer et donner du feedback sur les aspects problématiques.

Si tu souhaites recevoir des articles
comme celui-ci chaque semaine...
Inscris toi à la newsletter




Joran Farnier

Joran Farnier

Psychologue, enseignant, formateur

Passionné par la psychologie, j’ai fondé l’Institut de Psychologie Positive Appliquée pour faire le pont entre les recherches et la pratique de terrain.

Nous formons les professionnels de l'accompagnement pour leur permettre d'exercer avec plus de clarté, d'efficacité et de confort dans un métier complexe.



Partager cette ressource à un collègue

Ce qu'il y a de fabuleux avec la connaissance, l'amour et le bonheur, c'est qu'ils sont décuplés lorsqu'on les partage.

16 commentaires sur “La sécurité psychologique

  1. Bonjour Joran,
    Je suis « tombée » sur votre blog par hasard. Je tiens à vous remercier pour ces articles éclairant que vous nous partagez.

    Belles journées à venir

    1. La sécurité psy se vit dans tous les domaines de la vie. C’est donc très riche comme concept pour tout individu quelque soit sa profession ou même la relation qui se joue : parent/enfant, enseignant, conjoint….
      Merci pour cet article très intéressant

      1. Bonjour,

        Oui tout à fait, merci pour votre retour !
        A partir du moment où nous sommes en relation avec quelqu’un, nous pouvons évaluer le niveau de sécurité psychologique qui caractérise la relation.
        Cela peut concerner l’ambiance dans une équipe de travaille, dans une classe à l’école, dans une équipe sportive, dans la relation avec un coach ou un thérapeute, et aussi dans la relation à soi-même.

        1. Merci beaucoup pour vos articles!
          Je trouve cet article très intéressant, en tant que prof des écoles , maman et passionnée par la psychologie!
          C’est intéressant pour celui qui se place du côté du « leader » ou « coach » et qui réfléchit au moyen d’ améliorer le niveau de sécurité dans son groupe.
          Mais, je pense à celui qui se trouve de l’autre côté et face à un « leader » peu/pas sécurisant et qui ne se remet pas nécessairement en question…
          Par exemple, pour des jeunes collégiens/lycéens qui se trouvent dans une ambiance peu sécurisante, en classe…
          Comment y résister /ou améliorer ce climat en tant qu’élèves? Comment ne pas être trop impacté par ce climat et continuer à oser apprendre, participer…?
          Bien à vous

          1. Bonjour,

            Votre question est très pertinente.
            Les étudiants évoluent dans plusieurs groupes (famille, amis, collègues/camarades de classe, plusieurs enseignants).
            Ce qui est précieux c’est d’avoir au moins un groupe dans lequel nous pouvons faire l’expérience de la sécurité psychologique, c’est à dire avoir une place qui n’est pas menacée pour exprimer pleinement notre potentiel.
            Cette diversité d’expérience permet à l’élève de voir que l’insécurité psychologique ne parle pas forcément de lui, mais de la dynamique du groupe présente.

            Dans un contexte d’insécurité, cela demande à l’individu de s’appuyer sur sa propre sécurité psychologique interne et sur ses compétences psychologiques.
            « Si on me dévalorise en cas d’échec, cela me demande d’avoir fortement internalisé le fait que l’humiliation parle plus du fonctionnement de l’auteur que de la cible et que le droit à l’erreur est nécessaire pour apprendre ».
            C’est pourquoi d’autres contextes protecteurs sont importants pour cultiver ses compétences et cette prise de distance face à des contextes plus aversifs, s’il n’est pas possible de les quitter.

            Si vous ne pouvez pas changer la situation, il est possible de changer le rapport à la situation ou de vous en préserver en la diluant dans d’autres expériences alternatives.

            En espérant avoir répondu à vos questions,

            Joran

        2. Bonjour,
          Merci infiniment pour le partage de cet article qui m’aide à clarifier mon niveau de sécurité/insécurité et celui des personnes avec qui je suis en relation.
          Actuellement, je vis une grande insécurité intérieure qui m’handicape dans mes relations sentimentales et ma profession. J’ai des projets ambitieux dans ma tête qui ont du mal à se concrétiser par peur de l’échec, de ne pas savoir faire, parce que je ne me sens pas suffisamment légitime et à la hauteur. Tout ça m’empêche d’évoluer, de prendre confiance moi, d etre fière de moi et d avoir une bonne image de moi.
          J aimerais pouvoir faire autrement et débloquer ce qui m’empêche d’avancer vraiment. J’ai le sentiment de perdre énormément de temps et d’énergie pour rien. J’aimerais pouvoir dépasser ce blocage pour pouvoir aider efficacement les autres à révéler leur plein potentiel. Je suis éducatrice spécialisée et en formation pour devenir accompagnante à la parentalité. J’ai besoin de contribuer dans la cellule familiale auprès des enfants/adolescents et parents pour construire cette sécurité qui est indispensable pour le développement de chacun.
          Merci encore pour votre expertise.

  2. Bonjour Joran et merci encore une fois pour cet article extrêmement clair.
    Tu y évoques principalement la sécurité psychologique au sein d’un groupe et la performance qu’elle génère quand elle est bien installée.
    Aurais-tu des éléments sur la sécurité psychologique d’une personne seule face à une tâche ou à un projet? J’accompagne actuellement une personne qui manque sûrement de sécurité psychologique et se met, de ce fait, beaucoup la pression mais seule et dans tous les univers de sa vie. Comment faire pour (re)trouver de la sécurité dans ce type de situation? Merci pour tes éclairages si tu as des choses sous la main.
    Bien à toi, Marie

    1. Bonjour Marie,

      Content de te lire !
      La sécurité psychologique tel que formalisée par Amy Edmondson s’applique dans un contexte de groupe.
      Par contre, certaines personnes peuvent avoir des insécurités internes.
      Cela signifie que même dans un contexte sécurisant, la personne a du mal à s’exprimer, à expérimenter, à se sentir en confiance.
      La première étape en individuelle est de créer une alliance avec la personne, puis de modéliser ce qui fait difficulté.
      Quelle est l’enjeu de gravité qu’elle met sur la situation? Qu’est ce qu’elle redoute, qu’est ce qui lui fait peur ? (si j’échoue je vais être rejeté ? = ma valeur dépend de ma performance)
      Quelle perception a t’elle de ses compétences ? Est-ce correct ou il y a t’il toujours un biais de dévalorisation/de remise en question ?

      Une fois qu’on a identifié tout cela, on peut proposer des pratiques adaptées à ses besoins et à son fonctionnement.
      Explorer ses capacités, ses ressources si on souhaite cibler le sentiment d’auto-efficacité.
      Travailler la régulation émotionnelle avec l’auto-compassion ou un dialogue interne apaisant plutôt que catastrophisant.

      Voici quelques pistes 🙂

  3. Bonjour Joran,

    Est-il possible de transmettre l’article expliquant comment établir la sécurité psychologique dans un groupe à Damien TESSIER et au groupe Promobe 4ème promotion ?
    Merci d’avance et au plaisir de peut-être te revoir d’ici la fin de l’année.

  4. bonjour, je suis intéressée par les méthodes de création d’un climat de sécurité dans un groupe. J’espère pouvoir en lire plus.
    Intervenez vous directement dans les collectifs? je suis entrain de montre un programme d’accompagnement des collectifs.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *