La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement : synthèse du colloque

Le jeudi 8 mars a eu lieu le colloque « Regards croisés sur la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) ». L’évènement a réuni plus de 80 personnes (professionnels et étudiants) de différents horizons.

Introduction à la thérapie ACT

La journée a commencé par une introduction aux fondements de la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement par Mr Simon Grégoire (Psychologue, chercheur et professeur à l’Université de Québec à Montréal). Il y était présenté les théories sur lesquelles se basent la thérapie (théorie des cadres relationnels), les leviers utilisés pour développer la flexibilité psychologique, ainsi que les données probantes de son efficacité auprès des patients.

 

Concernant la théorie, l’ACT est basée sur des théories du langage. Celles-ci nous montre que les mots revêtent pour nous une signification que nous interprétons parfois comme une réalité à la manière d’une formule magique ou d’une malédiction. Pour être plus clair, l’émotion suscitée par des mots n’est pas dû aux mots en soit, mais plutôt à notre tendance à considérer le langage comme quelques chose qui correspond à la réalité ou qui est susceptible de provoquer des événements dans la réalité.

 

L’ACT est une psychothérapie qui vise à nous libérer davantage des pièges du langage pour nous permettre de mener une vie enrichissante avec nos pensées et émotions désagréables, plutôt que d’être dirigé par elles. En somme, le but de cette approche est de développer sa flexibilité psychologique.

Six domaines sont travaillés pour cela :

  1. Pouvoir observer ses pensées comme un phénomène extérieur à soi (la défusion d’avec les pensées),
  2. Identifier les choses qui donnent du sens à notre vie (aussi appelées valeurs ou directions de vie)
  3. Apprendre à agir en direction des choses qui comptent pour nous dans la vie (c’est l’engagement)
  4. Apprendre à être en contact avec l’instant présent plutôt que noyé dans notre esprit (c’est le contact avec le moment présent)
  5. Apprendre à observer et ressentir les pensées/ émotions désagréables et relativiser leur conséquences sur soi (ne pas tomber dans l’évitement expérientiel permanent)
  6. Réaliser que nos pensées ne nous définissent pas en tant qu’individu car nous ne sommes pas forcément le contenu qu’elles décrivent (développer le soi en tant que contexte et non en tant que contenu de nos pensées).

La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement en pratique

Pour des patients douloureux chroniques

La matinée s’est poursuivie par l’intervention de Mr Frederick Dionne (Professeur et chercheur à Université de Québec à Trois-Rivières) qui a présenté la prise en charge de la souffrance psychologique liée aux douleurs chroniques par l’ACT.

L’idée est que derrière les douleurs chroniques se cachent à la fois de la douleur physique et de la souffrance psychologique. C’est sur cette dernière que la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement peut agir en mettant au clair avec le patient ce qui est important pour lui dans la vie, et comment il peut continuer à tendre vers ces choses en faisant avec la douleur.

L’objectif étant de se diriger vers une vie satisfaisante avec la douleur plutôt qu’une vie insatisfaisante avec la douleur et la souffrance psychologique qu’elle provoque.

Apprendre la flexibilité psychologique

Les étudiants en psychologie membres de l’institut Chrysippe (Gaëtan Béghin et Maxime Clavel) ont ensuite présenté leur travail consistant en un protocole d’entrainement à la défusion via la réalité virtuelle. Protocole supervisé par Rebecca Shankland (Maître de Conférences à l’Université Grenoble Alpes) et Michaël Pichat (Maître de conférences à l’Université Paris 8).

La notion de défusion est en fait la faculté à prendre du recul vis-à-vis de ses pensées et de les considérer comme un phénomène automatique qui ne représente pas pour autant la réalité. Si c’était le cas nous ne pourrions pas imaginer qu’un tabouret noir ayant pour pieds 3 pattes de chat se déplace dans la pièce où nous sommes. Le pouvez-vous ? Alors, pourquoi donc croire sur parole les pensées qui vous disent que vous êtes « Incapable de… » « Trop … » « Pas assez… ».

Si à la lecture de cette phrase, certaines d’entre elles vous viennent à l’esprit, observez-les… Ce ne sont que des pensées au même titre que le tabouret à pattes de chat. L’expérience présentée par les étudiants en  psychologie vise à apprendre à effectuer ce décollement de notre identité d’avec nos pensées. C’est-à-dire à concevoir qu’elles sont un phénomène automatique hors de notre contrôle qui ne nous définit pas.

Toutes sortes de pensées nous viennent à l’esprit à tout instant sans que nous le remarquions forcément. Certaines sont utiles, d’autres pas. L’entrainement consiste à permettre aux participants de faire ce constat par l’expérience et de parvenir à être observateur de ses pensées plus facilement.

Pour les troubles du comportement alimentaire

À travers cet atelier Florian Saffer (Diététicien et Thérapeute ACT) a évoqué son utilisation de l’ACT afin d’amener ses patients à être davantage bienveillants avec eux-mêmes comme ils le sont naturellement avec les autres. L’objectif étant de placer les comportements alimentaires problématiques en perspective avec ce qu’on veut vraiment pour soi, et ce que l’on veut partager avec les autres (rappel de la notion de valeurs).

Observer les conséquences de ces comportements permet d’établir que ce ne sont pas les comportements les plus utiles pour s’épanouir. D’autres notions importantes sont amenées au patient via des exercices de type expérientiel plutôt que par l’intellectualisation du discours. Ainsi, la notion d’engagement dans des actions ayant du sens pour les patients (partager un moment convivial avec sa famille, être une bonne mère qui donne l’exemple a ses enfants…), ainsi que la notion de défusion d’avec des pensées (culpabilisatrices, dévalorisantes, prônant des impératifs de beauté,…) sont abordées.

Autres ateliers proposés : « L’initiation à la pleine conscience » ou « L’initiation à la thérapie d’acceptation et d’engagement »

Accompagner l’insatisfaction corporelle clinique (ICC)

Au cours de son atelier, François Nef (Psychologue et Professeur à l’Université Catholique du Louvain) a présenté l’approche transdiagnostique de la prise en charge de l’ICC. L’insatisfaction corporelle est un phénomène courant mais elle devient pathologique lorsqu’elle entraine des comorbidités comme la dépression, des troubles anxieux, une anorexie, une boulimie

D’après le modèle transdiagnostique, l’insatisfaction corporelle est un processus au carrefour de plusieurs pathologies, d’où l’importance de sa prise en charge commune dans des situations cliniques d’apparence opposées (ex : anorexie/boulimie). Le traitement par cette approche passe par de la psychoéducation mais aussi des exercices expérientiels concernant la distorsion de la perception du corps, la survalorisation de l’importance de l’apparence pour mener une vie heureuse, et les comportements inadaptés vis-à-vis de son corps (tentative de contrôle du poids/ de la silhouette, vérification, évitement, obsession…). L’objectif ici est de modifier la perception des patients vis-à-vis de leur situation d’insatisfaction corporelle afin d’augmenter leur flexibilité psychologique et d’apprendre à vivre avec tout en tendant vers ce qui est important pour eux dans la vie.

Autres ateliers proposés : « Les 6 dimensions de la flexibilité psychologique » ou « L’apport de la pleine conscience en milieu professionnel »

L’ACT et les questions de santé publique

La journée s’est clôturée avec l’intervention de Mr Simon Grégoire qui a présenté les études réalisées à partir du Programme KORSA, basé sur ACT, pour lequel il travaille. Ce programme composé de 5 séances de 2h30 vise à prendre en charge la détresse psychologique d’étudiants canadiens en proposant un apprentissage des habiletés qui favorisent le mieux-être et en apportant un soutien social.

Les résultats des études rapportent un effet significatif sur la diminution du stress et de l’anxiété, ainsi qu’une augmentation de l’engagement des étudiants dans leurs études, et l’amélioration de leur qualité de vie.

Pour conclure

Ce colloque a su présenter à un public varié les bases de la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement ainsi que des méthodes concrètes de prises en charge des patients via cette approche. Nous ne pouvons que saluer la qualité des intervenants présents qui ont su, avec humour et pédagogie, nous permettre d’appréhender ce sujet très riche.

 

Lisa-Marie Saavedra


Joran Farnier

Joran Farnier

Psychologue, enseignant, formateur

Passionné par la psychologie, j’ai fondé l’Institut de Psychologie Positive Appliquée pour faire le pont entre les recherches et la pratique de terrain.

Nous formons les professionnels de l'accompagnement pour leur permettre d'exercer avec plus de clarté, d'efficacité et de confort dans un métier complexe.



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1 commentaire sur “La Thérapie d’Acceptation et d’Engagement : synthèse du colloque

  1. C’est magnifique ! Je vois que la psychologie a fait un bond en avant ces dernières années, pour devenir (enfin!) plus efficace !
    En intégrant, adaptant, et en mettant en mots et au goût du jour, les techniques et pratiques qui sont connues depuis fort longtemps des yogis et autres maîtres spirituels…
    Espérons que cette nouvelle formulation permettra de les mettre à portée de ceux qui en étaient éloignés par les a-priori !

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