

Pour une randonnée, nous préparons un équipement matériel (eau, duvet, carte) et psychologique (compétences en orientation) nécessaire pour profiter au mieux de cette expérience en sécurité.
Quel équipement aimeriez-vous prendre pour vivre votre vie pleinement ? Pour vous aider à profiter de cette expérience indescriptible tout en apprenant à mieux accueillir les moments inévitables d’adversité ?
Si un équipement me paraît fondamental pour profiter au mieux de cette folle expérience, c’est bien l’intelligence émotionnelle.
Les émotions sont présentes chaque jour de notre vie, dans des situations minimes (la frustration à ne pas réussir à ouvrir un pot de confiture) comme majeures (la tristesse dans une séparation affective). Elles rythment notre quotidien et influencent nos décisions et actions. Sans mode d’emploi pour les décrypter, nous risquons de les subir et de les laisser prendre le contrôle de notre comportement.
L’émotion est une sorte de cheval sauvage, si nous le laissons nous guider il risque de nous emmener dans une direction non souhaitée, alors que si nous comprenons son fonctionnement, nous pouvons l’apprivoiser pour avancer dans la direction désirée.
Les compétences émotionnelles permettent de faire de nos émotions des alliés. Elles nous aident à choisir des comportements éclairés par les informations émotionnelles plutôt que des comportements contrôlés par l’émotion (Gross, 2007). Il s’agit de choisir en présence de l’émotion plutôt que d’y réagir automatiquement. Ces compétences permettent de désactiver le pilote automatique qui nous oriente parfois dans des directions qui ne nous conviennent pas ou plus, afin de retrouver la capacité de dessiner notre plan de vol.
Ces compétences sont au service d’une meilleure flexibilité psychologique, c’est la capacité de choisir le comportement le plus adéquat en fonction du contexte, aussi bien interne (nos besoins, valeurs, préférences) qu’externe (particularités de la situation).
Définition des compétences émotionnelles

Le terme de compétences émotionnelles est désormais préféré à celui d’intelligence émotionnelle, car ce dernier semble renvoyer une représentation d’une aptitude figée (fixed mindset). Alors que le terme de compétence renvoi à un aspect plus évolutif, qui peut se travailler et se développer. (growth mindset).
Moïra Mickolajczak définit 5 compétences émotionnelles : identifier, comprendre, exprimer, utiliser et réguler nos émotions. Ces 5 compétences peuvent s’exprimer dans 2 domaines : le domaine intra-personnel (ses propres émotions) et le domaine interpersonnel (les émotions d’autrui).
- Identification émotionnelle : avoir conscience de ses émotions et de celles d’autrui, parvenir à les nommer et les discriminer
- Compréhension émotionnelle : comprendre le processus émotionnel, faire des liens entre l’émotion, la situation, l’évaluation subjective et les besoins aussi bien pour soi que pour les autres.
- Expression émotionnelle : exprimer ses émotions et besoins d’une manière adaptée et constructive ; faciliter l’expression émotionnelle des autres, être capable d’écouter et d’identifier leurs émotions et besoins.
- Utilisation de ses émotions : utiliser les informations apportées par les émotions pour prendre des décisions et utiliser l’impulsion physique, motivationnelle et mentale pour avancer dans une direction utile.
- Régulation émotionnelle : Accepter, gérer ou influencer le stress et les expériences émotionnelles.
Pour Moïra Mickolajczak, il existe 3 niveaux de compétences :
- La connaissance : ce que l’on sait.
- La capacité : ce que l’on est capable de faire.
- La personnalité : ce que l’on fait régulièrement.
Avoir de l’information (connaissance)n’est pas suffisant pour changer de comportement (capacité), de même que savoir se relaxer ne suffit pas à en faire une habitude systématique en cas de stress (personnalité).
Les ateliers pour développer son intelligence émotionnelle doivent ainsi cibler les 3 niveaux de compétences pour être réellement efficace et durable.
Bénéfices de l’intelligence émotionnelle

L’intelligence émotionnelle présente des bénéfices significatifs dans les 4 domaines de vie :
- Le bien-être psychologique : ces compétences permettent de prendre soin de ses besoins psychologiques pour un meilleur équilibre personnel. Les études attestent d’une meilleure satisfaction de vie, moins d’anxiété, de dépression,de burn-out et de troubles psychologiques comme des addictions ou des troubles des conduites alimentaires.
- La santé physique : une meilleure expression, compréhension et gestion des émotions et du stress contribuent à une meilleure santé physique.
- La qualité des relations : exprimer ses besoins et comprendre ceux des autres permet un meilleur ajustement relationnel et un meilleur soutien social.
- L’ajustement au contexte scolaire et professionnel en termes de performance et de bien-être.
Vers une représentation positive de nos émotions

Le système émotionnel se veut fondamentalement utile et constructif pour l’individu, son objectif est de nous protéger et de permettre un meilleur ajustement au contexte en fonction des besoins psychologiques. Nous pouvons identifier trois fonctions principales de ce système :
- Une fonction d’alerte et d’information. Les émotions (même désagréables) ont un rôle fondamentalement constructif et fonctionnel : elles visent à nous informer de l’état de satisfaction de nos besoins pour permettre un meilleur ajustement à l’environnement.
- Une fonction de réaction rapide et coordonnée. Le système émotionnel est un chef d’orchestre qui coordonne une réponse rapide et cohérente au niveau du corps, de la motivation et du mental. Au niveau physique, le corps est préparé à l’action, au niveau motivationnel, une direction est privilégiée selon la nature de l’émotion (la colère peut favoriser l’agressivité ; la peur peut faciliter la fuite selon l’évaluation subjective de la menace ; la culpabilité peut faciliter un comportement de réparation…). Enfin, notre mental fonctionne différemment pour mieux appréhender le problème. En effet, notre attention, notre manière d’interpréter les évènements et le style de souvenirs rappelés sont influencés par l’émotion vécue (par exemple, quand nous sommes tristes, nous avons tendance à nous rappeler davantage des moments difficiles).
- Une fonction de signalisation sociale. Les émotions sont exprimées de manière verbale et non-verbale. Cela permet de transmettre aux autres la manière dont nous nous sentons pour leur permettre de s’ajuster. Si nous exprimons de la joie, cela peut les inciter à reproduire le comportement à l’origine de cette émotion. L’expression de colère peut les amener à diminuer le comportement problématique. Et l’expression de peur leur permet de les alerter également à propos d’un danger qu’il n’aurait peut-être pas perçu.
Les émotions sont tout de même liées à de nombreuses difficultés (dépression, troubles anxieux…). Comme tout système, il peut présenter des dysfonctions. Une alarme incendie qui se déclencherait toute la journée sans raison apparente serait ainsi contre-productive même si sa fonction est d’alerter d’un danger et de protéger les individus.
Ainsi, lorsque le système émotionnel est très réactif, au point de générer beaucoup de « fausses alertes », les émotions peuvent devenir envahissantes et épuiser l’individu.
Des problèmes peuvent également apparaître quand les stratégies de régulation sont dysfonctionnelles, l’émotion amène ainsi dans des directions contre-productives (l’évitement dans l’anxiété sociale qui peut conduire à la solitude).
Emotions agréables et désagréables
Les émotions désagréables sont tout aussi utiles que les émotions agréables. Elles nous permettent de nous renseigner sur nos besoins frustrés pour réagir. Si nous tuons le messager, nous évitons à très court terme un inconfort émotionnel, cependant nous nous privons d’une information essentielle pour prendre soin activement de nos besoins. Déconnecter l’alarme incendie n’éteint pas le feu, cela permet simplement d’être moins gêné par le bruit.
Cependant, si nous ressentons trop fréquemment des émotions désagréables, la diversité de notre répertoire de réactions a tendance à diminuer, nous réagissons alors de manière plus stéréotypée.
La chercheuse en psychologie positive, Barabara Fredrickson, a beaucoup étudié l’impact positif des émotions agréables. Elle constate qu’à l’inverse, les émotions agréables ont tendance à ouvrir notre attention et notre comportement, permettant ainsi d’investir de l’énergie vers l’extérieur pour construire des ressources durables.
Quand nous sommes joyeux ou curieux, nous nous ouvrons plus facilement, nous allons plus vers les autres et nous nous risquons davantage à sortir de notre zone de confort.
C’est pourquoi apprendre à cultiver nos émotions agréables (la joie, la reconnaissance, l’amour, la fierté, l’intérêt…) est une compétence utile pour une meilleure flexibilité psychologique, à condition qu’elle ne soit pas investie comme une stratégie d’évitement ou de suppression des émotions désagréables.
Développer son intelligence émotionnelle

Les études indiquent que l’intelligence émotionnelle peut se développer. C’est notamment permis par la plasticité cérébrale, la capacité du cerveau à réaliser de nouveaux apprentissages en modifiant son organisation neuronale et synaptique.
Des études scientifiques indiquent que des ateliers de développement des compétences émotionnelles sont efficaces aussi bien auprès d’enfants (Durlak et al. 2011) que d’adultes (Kotsou & al, 2011).
Les prochains articles sur l’intelligence émotionnelle détailleront comment développer ces compétences !

Psychologue, Enseignant à l’Université et Formateur.
Passionné par la psychologie, j’ai fondé l’Institut de Psychologie Positive Appliquée.
Je souhaite transmettre les compétences psychologiques fondamentales dans les domaines de la santé, de l’entreprise et de l’éducation.
J’écris régulièrement sur Linkedin, découvrez les articles non publiés ailleurs.
Merci Joran pour ton site et tous ces articles inspirants ! Je me permets de les partager sur ma page FB car c’est plus que jamais d’utilité publique actuellement !
Cathy REMY
Merci Cathy 🙂
Bonjour
En tant que psychologue, on est souvent sollicité.e sur cette question de quotient émotionnel et, avec lui, sa mesure (la part belle aux hypersensibles plus ou moins auto proclamés…).
Savez- vous si cette échelle existe véritablement à ce sujet ? (Comme la WISC/WAIS) ou peut on s’appuyer sur nos propres observations cliniques ?
Merci beaucoup pour vos articles.
Je me régale et ça apporte beaucoup
Virginie
Bonjour,
Merci pour votre retour,
Il existe en effet plusieurs échelles pour mesurer les compétences émotionnelles. J’utilise la PEC (Profile of Emotional Competence) de : Brasseur S, Grégoire J, Bourdu R & Mikolajczak M. 2013.
Il en existe d’autres cependant.
Après, comme vous le dites, ce qui semble véritablement intéressant au fond, c’est de savoir quelle fonction cela a pour le patient de demander à faire ce test et qu’est ce qu’il cherche à travers ce score.
Bonne journée,
Bonjour,
Je tenais à vous remercier pour cette source d’information que vous nous livrez, et du temps que vous y consacrez !
J’ai lu que vous utilisiez l’échelle PEC (Profile of Emotional Competence) de : Brasseur S, Grégoire J, Bourdu R & Mikolajczak M. 2013.
Ne la connaissant pas, où pourrais-je trouver le modèle svp ?
D’avance merci pour votre retour,
Bien à vous. Nathalie
Bonjour,
Merci beaucoup pour cet article !
Je suis étudiante en Master 2 sciences psychologiques à l’UMons en Belgique.
Je vais réaliser une recherche sur les compétences émotionnelles chez des sapeurs-pompiers formés au peer-support (pairs aidants). J’envisage d’utiliser le questionnaire PEC et de faire un entretien semi-directif.
Si cela vous intéresse, et que votre emploi du temps vous le permet, je serais ravie d’échanger à ce sujet.
Bonne fin de journée.
Un grand merci pour la présentation de cet ouvrage que je me suis empressé de me procurer. Précis, riche et pratique, il est devenu un outil précieux pour ma pratique professionnelle.