Intelligence émotionnelle : comprendre et exprimer ses émotions

Comprendre ses émotions

Les émotions ont une réelle utilité : celle de nous aider à nous adapter au mieux à notre environnement.

Quand nos émotions posent problème, c’est souvent que nous avons des croyances erronées concernant notre environnement (perception biaisée de la situation).

Exemple : penser que l’on n’a pas le droit de dire non aux autres va générer une culpabilité limitant l’expression de nos limites.

Les problèmes liés aux émotions viennent aussi d’une manière inadaptée ou trop coûteuse de réguler nos émotions.

Exemple : éviter de penser à un problème plutôt que de mettre de l’énergie à le résoudre.

LEÇON #1 Les émotions visent à maintenir un état d’équilibre, en alertant de l’état de satisfaction de nos besoins psychologiques essentiels.

Comme nous l’avons vu dans les articles précédents, comprendre nos émotions nécessite un état d’esprit d’ouverture, de pouvoir les considérer comme des messagers utiles.

Même si le message ne nous plaît pas toujours ou se révèle inexact.

Entraîner son intelligence émotionnelle concernant la compréhension, c’est aussi savoir délimiter le déclencheur de l’émotion (l’événement ou la situation) et les causes intérieures de l’émotion (nos besoins et notre évaluation subjective de la situation)

illustration comprendre ses émotions

Voir l’émotion comme une opportunité de comprendre et d’apprendre des choses sur nous et notre environnement.

Voici plusieurs informations que l’on peut extraire de l’émotion :

  • Monde extérieur : elle nous indique les situations et événements qui représentent une opportunité ou une menace à la satisfaction de nos besoins
  • Monde intérieur : Elle nous indique quel besoin est frustré ou satisfait
  • Monde intérieur : Elle nous renseigne sur notre manière subjective d’évaluer la situation et sur nos représentations, croyances, schémas et règles mentales
  • Monde intérieur : l’émotion nous apporte une information sur la manière automatique dont nous réagissons aux situations.

    En effet, elle nous indique une voie privilégiée pour réagir, c’est la tendance à l’action en réaction à l’émotion (fuir, agresser…).

    Ce n’est pas par ce qu’elle nous incite à aller dans cette direction que nous sommes contraints de le faire, nous pouvons prendre le temps avant d’agir en nous demandant si cette voie nous aidera ou posera problème.
Application concrète

Un collègue juge négativement mon travail : je ressens beaucoup de tristesse et je rumine pendant plusieurs jours sur la situation.

Cette émotion m’apporte plusieurs informations utiles :
  • Monde extérieur : l’émotion m’indique que c’est cette interaction, et particulièrement le reproche qui est la source de la frustration de mes besoins.
  • Besoins : le besoin d’être estimé, de m’estimer moi-même et d’avoir ma place dans un groupe
  • Perception : j’accorde beaucoup de poids aux jugements des autres, car si quelqu’un me fait un reproche, cela signifie pour moi que je suis nul et incapable (croyance/interprétation personnelle)
  • Tendance à l’action : j’observe que j’ai tendance à ruminer plusieurs jours et à me dévaloriser suite à un reproche, et à éviter ou tenter de bien faire pour « réparer » le reproche auprès de la personne.

    Ces stratégies de régulation émotionnelles contribuent à dévaloriser mon estime personnelle et mon besoin d’approbation externe, il est utile de trouver d’autres stratégies au service de mes besoins d’estime.

La stratégie d’évitement émotionnel

illustration de l'évitement émotionnel

Se couper de ses émotions (regarder une série, boire de l’alcool, ne plus penser à un problème) marche extrêmement bien pour ne plus souffrir à court terme.

C’est pourquoi cette stratégie est si fréquemment utilisée.

Cependant, l’émotion peut finir par revenir plus tard et souvent de manière amplifiée si le problème est toujours présent dans la réalité.

Ce n’est donc pas une stratégie durable, car elle nécessite de s’endetter sur le futur pour avoir un soulagement très temporaire dans le présent.

LEÇON #2 L’évitement de nos émotions désagréables nous fait passer à côté de la possibilité d’identifier le besoin menacé et d’agir pour le satisfaire.

Cette stratégie est vraiment problématique lorsqu’elle est utilisée trop fréquemment.

Si nous ne souhaitons pas voir nos émotions, nous ne pouvons pas traiter le message précieux qu’elle nous apporte sur l’état de satisfaction de nos besoins.

Un peu comme un pilote d’avion qui ne souhaiterait pas regarder les indicateurs en rouge sur son cockpit par peur d’être confronté à un problème.

Cela peut être particulièrement délétère lorsque nos besoins sont menacés et que nous devons en prendre conscience pour réagir.


Ex : face à un excès de fatigue ou de stress, si nous n’écoutons pas cette information et continuons au même rythme, nous risquons l’épuisement.


Ex : si nous n’écoutons pas notre colère et ne disons rien quand quelque chose nous déplaît fortement, nous ne donnons pas à l’autre l’opportunité de repérer nos limites afin qu’il change de comportement.


Comprendre et satisfaire nos besoins psychologiques

LEÇON #3 Comprendre nos émotions nous permet de comprendre nos besoins psychologiques.
CONSEIL PRATIQUE : Reconnaître nos besoins et ceux des autres nécessite un entraînement.

Pour développer cette capacité, posez-vous la question à chaque émotion ressentie par vous-même ou par autrui :

Qu’est-ce que cette émotion dit de ce qui est important pour moi/lui ?

2 raisons pour lesquelles comprendre nos besoins psychologiques est une compétence essentielle pour notre bien-être individuel et relationnel :

  • Satisfaire nos besoins psychologiques contribue à nous rendre plus heureux et à éviter les problèmes de santé mentale (consommation de drogues…) lorsqu’ils ne sont pas satisfaits.
  • Comprendre les besoins de chaque personne dans un conflit est un élément fondamental pour mieux se comprendre, s’apaiser et trouver des solutions pour sortir de la crise.

Liste des besoins psychologiques

Avoir une liste de besoins universels permet de s’entraîner plus facilement à les reconnaître.

LEÇON #4
Nous avons 3 besoins psychologiques fondamentaux, selon la théorie de l’autodétermiantion.

Un besoin d’autonomie
Un besoin de compétence
Un besoin d’appartenance

Lorsqu’ils sont satisfaits, la personne fait les choses avec une motivation interne et ressent un épanouissement et une vitalité.

Un autre modèle (Max-Neef & al., 1986) suggère la présence de 9 besoins fondamentaux.

  • La compréhension
  • L’affection
  • La subsistance
  • La protection
  • La liberté
  • La participation
  • Le temps pour soi
  • La créativité
  • L’identité
LEÇON #5
Il existe un nombre de besoins psychologiques limités.
Mais il existe une quasi infinité de manières de les satisfaire : ce sont les moyens ou les stratégies

Distinguer besoins et moyens permet de pouvoir questionner les stratégies que nous utilisons qui sont parfois problématiques et contribuent à nous rendre malheureux.

Par exemple, pour nourrir son besoin de compétence, une personne se fixe des exigences inaccessibles ou impossibles à tenir dans la durée (je dois tout faire parfaitement). Son besoin de compétence sera très rarement satisfait et elle risque de douter d’elle quoi qu’elle fasse.


Nous recourons souvent à des stratégies très exigeantes lorsque nous avons eu des blessures narcissiques et que nous imaginons qu’une réussite extraordinaire est nécessaire pour les réparer.

Cependant, cela ne fait souvent que renforcer la faible estime, car les exigences pour être satisfait de soi sont rarement atteignables.

La personne s’enlise ainsi dans un cercle vicieux.

CONSEIL PRATIQUE : Faire la liste des stratégies utilisées pour satisfaire un besoin important et voir si elles sont réalistes, sous notre contrôle et si nous les atteignons régulièrement.

Cela permet de questionner les moyens utilisés pour prendre soin de nos besoins fondamentaux et de les assouplir pour être moins souvent frustré.

Exprimer nos émotions

Exprimer ses émotions présente de nombreuses vertus :

  • Informer l’autre sur notre état intérieur, nos attentes vis-à-vis de la relation et notre relation à notre environnement.
  • L’expression émotionnelle contribue à renforcer les comportements relationnels qui facilitent la relation et de décourager les comportements
  • Permet de mieux réguler nos émotions en les considérant comme un messager utile plutôt que comme un ennemi contre lequel lutter
  • Exprimer nos émotions permet de mieux intégrer nos évènements de vie, d’en raconter une histoire cohérente.

L’expression émotionnelle peut être :

  • Individuelle : exprimer par écrit ce que l’on ressent pour soi.
  • Adressée à autrui: elle permet à l’autre de s’ajuster à nos besoins dans la relation.

    La suppression émotionnelle empêche de faire un retour sur les impacts du comportement de l’autre.

    Ne rien dire quand quelque chose nous blesse contribue à envoyer le message que cela est OK.

La flexibilité expressive

Exprimer ou garder ses émotions n’est ni bon ni mauvais en soi, cela dépend du contexte et de la manière de le faire.

Ce qui compte, c’est la flexibilité : savoir quand c’est utile ou non.

La flexibilité, c’est disposer de 3 compétences dans notre répertoire :

  • Être capable de dire les choses
  • Être capable de garder les choses pour soi
  • Avoir la sagesse de choisir la réaction (1 ou 2) la plus adaptée à un contexte donné par rapport à nos besoins et aux contraintes extérieures.

L’expression émotionnelle dépend beaucoup des normes familiales dans lesquelles nous avons grandi : est-ce que c’était ok ou non d’exprimer ses émotions ou de parler des difficultés ?

Passe de la compréhension à l’intégration
avec les prochaines formations


Les contextes positifs de l’expression émotionnelle

LEÇON #6 : Exprimer nos émotions (par écrit pour soi ou aux personnes concernées) contribue à améliorer notre santé physique, mentale et sociale.
CONSEIL PRATIQUE : Pennebaker, célèbre chercheur sur l’écriture émotionnelle, propose d’écrire 15 minutes par jour dans un lieu calme, tout ce qui nous préoccupe.

Sans se censurer ou sans être préoccupé par des questions de grammaire ou d’orthographe.

Pour les personnes qui ne sont pas à l’aise avec l’écriture, il est possible de dicter oralement sur un micro.

Exprimer nos émotions désagréables est important pour mettre nos limites ou obtenir du soutien.

Cependant, les études scientifiques indiquent que l’expression des émotions agréables est très importante aussi.

C’est notamment le cas d’une émotion : la gratitude.

Exprimer notre reconnaissance lorsque nous recevons un geste attentionné contribue à augmenter la proximité relationnelle et le bien-être des deux personnes impliquées dans la relation.

L’expression émotionnelle permet également de cultiver des dynamiques relationnelles positives.

Lorsqu’une personne a envie de partager une émotion et que l’autre se montre intéressée et réceptive, cela contribue à rapprocher ces 2 personnes et facilite le mouvement d’ouverture émotionnelle en créant la norme :

« C’est OK de partager ses émotions dans cette relation ».

Les contextes péjoratifs de l’expression

L’expression chronique de la colère est un facteur de risque pour les maladies cardiovasculaires.

Dans le cas de la colère, l’exprimer immédiatement prend souvent la forme d’une décharge agressive non constructive.

C’est pourquoi il est souvent préférable de différer l’expression de notre ressenti lorsque le calme est revenu afin d’exprimer notre besoin de manière constructive.

Un autre exemple dans lequel modérer l’expression de notre émotion peut être utile :

Un ami vit une période compliquée, et dans le même temps nous venons d’apprendre une très bonne nouvelle.
Il est parfois préférable de modérer l’expression de notre joie pour ne pas être trop en décalage émotionnel
Ce qui pourrait être perçu comme un manque de considération.

Enfin, au poker, les bons joueurs savent cacher leurs émotions pour ne pas trahir leur jeu. C’est encore une fois une question de contexte.

Exprimer les émotions de manière constructive

illustration comment exprimer ses émotions

Vous êtes-vous déjà posé la question suivante :
Ça se dit ou ça ne se dit pas ?

Ce type de question peut créer un schéma d’expression clivé en 2 temps :

  • Dans un premier temps on garde tout pour soi car on a le sentiment que ça ne se dit pas ou on a peur d’avoir un conflit ouvert.
  • Dans un second temps, à force d’avoir accumulé des problèmes, on finit par exploser lorsque la goutte fait déborder le vase.

Mon avis est qu’à partir du moment où quelque chose nous gêne, il est légitime de pouvoir l’exprimer, par contre, tout dépend de la manière de le faire.

Nous devons sortir de la question de la légitimité pour aller vers une priorité : exprimer pour préserver l’équilibre relationnel.

LEÇON #7 Exprimer nos émotions et nos besoins permet un réajustement régulier dans la relation en informant l’autre sur ce qui nous convient et nous convient pas.

Sans ce retour de notre part, l’autre n’a pas accès aux informations précieuses sur ce qui nous convient ou pas.

La relation est ainsi déséquilibrée, mais l’autre n’a pas les informations pour la rééquilibrer.

Le problème est que nous exprimons souvent nos émotions désagréables souvent trop tard lorsque le vase déborde. Et souvent sous forme de reproches accusateurs.

Si nous n’avons pas d’autres manières de communiquer que l’agression, on comprend facilement qu’on s’autorise à exprimer nos affects uniquement pour des choses graves ou lorsque que notre seuil de tolérance est bien dépassé.

illustration exprimer ses émotions

La communication non-violente permet d’exprimer nos émotions et besoins sans devoir agresser l’identité de l’autre (« Tu es égoïste »).

Elle nous propose des formulations pour prendre la responsabilité de ce qui compte pour nous (« J’ai besoin de considération »).

Cela permet de s’autoriser à exprimer nos besoins à chaque fois qu’ils sont frustrés ou satisfaits, et qu’il n’y a pas à se poser de questions du type « ça se fait ou pas de le dire ? ».

Car à partir du moment où cela est important pour nous, nous pouvons l’exprimer à l’autre sans avoir à le menacer, mais plutôt avec l’intention positive de lui partager notre mode d’emploi.

Il est aussi essentiel de partir des faits observables.


Sinon il y a un risque d’avoir des interprétations erronées et de prêter des intentions illusoires à l’autre.

Faciliter l’expression des émotions chez les autres

LEÇON #8 : Faire de la place aux émotions de l’autre est une compétence essentielle avec nos enfants, nos proches et nos patients/clients pour leur permettre d’explorer plus en profondeur leurs sentiments et leurs réflexions.

Ecouter les émotions de l’autre permet de lui faire une place confortable dans la relation et de l’accepter dans sa globalité.

Selon Porter, nous pouvons répondre de 6 manières face aux émotions :

  • Proposer des solutions
  • Juger
  • Interpréter
  • Consoler
  • Investiguer
  • Comprendre

La réponse la plus fréquente que nous donnons à une émotion douloureuse d’une personne : des conseils ou des solutions.

En s’empressant de répondre par un conseil, sans même savoir ce que l’autre attend de nous, notre réponse peut renvoyer que son émotion n’a pas sa place.

Car nous essayons de l’enlever immédiatemment par la résolution.

Il est préférable d’apporter ce type de réponse lorsque l’autre le demande explicitement ou une fois qu’il s’est d’abord senti pleinement écouté.

illustration aider l'autre à exprimer ses émotions

Souvent, il est difficile d’écouter pleinement l’autre, car nous devons faire une place à sa souffrance, ce qui peut être douloureux pour nous aussi.

Nous sommes ainsi tentés de proposer une solution magique comme « il suffit de ne plus y penser ou de relativiser » pour ne plus être confronté à la souffrance de l’autre.

Ecouter, c’est faire de la place au vécu de l’autre, tenter de prendre la mesure de ce que l’autre vit et de comprendre sa représentation des choses, même si elle nous semble illogique ou à l’opposé de la nôtre.

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Bibliographie

Mikolajczak, M., Quoidbach, J., Kotsou, I., & Nelis, D. (2020). Les compétences émotionnelles. Dunod.


Joran Farnier

Joran Farnier

Psychologue, enseignant, formateur

Passionné par la psychologie, j’ai fondé l’Institut de Psychologie Positive Appliquée pour faire le pont entre les recherches et la pratique de terrain.

Nous formons les professionnels de l'accompagnement pour leur permettre d'exercer avec plus de clarté, d'efficacité et de confort dans un métier complexe.



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10 commentaires sur “Intelligence émotionnelle : comprendre et exprimer ses émotions

  1. Bonjour,
    Merci pour la richesse de ces informations.
    En tant que sophrologue, l’écoute des émotions de l’autre et donner la place à l’autre est primordiale.
    Je me pose une question : pensez vous aborder la question de « l’espace » de la personne qui écoute ? Comment ne pas être envahi par les émotions des autres ?

    Vos articles sont passionnants. Merci à vous pour tous ces partages 🙂

    1. Oh , comme j’ai de la chance de tomber sur cet article qui permet de consolider mes propos sur le rôle de l’expression émotionnel .
      Merci

  2. Merci pour ce partage, il tombe à pic. Je suis quelqu’un d' »hypersensible ». Je travaille sur moi. Mais quand je traverse des periodes difficiles comme en ce moment, que j ai déjà dit les choses, je finis par exploser.

  3. Les articles sont bénéfiques à plus d’un titre, les émotions ont aussi pour effet d’aider à prendre la décision pour passer à l’action tout en donnant du sens à l’acte posé ou à l’action menée .Donner du sens c’est aussi mettre en action les cinq (05) sens qui sont aussi des outils tels que : L’écoute évoquée dans l’article , l’observation qui permet de repérer un besoin mais aussi d’identifier une émotion .
    Vos articles permettent d’ouvrir d’autres chemins , en offrant d’autres possibilités afin de répondre aux attentes au delà des estimations. Il s’agit aussi de promouvoir une pluralité des approches et des méthodes en suscitant la curiosité , en créant une effervescence.
    Par le dialogue avec une communication fluide ,transparente ,permanente ,adaptée et captivante c’est aussi explorer cette quête de gratitude, de reconnaissance et de valorisation .La finalité étant d’instaurer une relation de confiance .
    Un grand merci pour la teneur et la pertinence de vos articles lesquels constituent une boussole pour l’ascension vers les sommets de la réussite .

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