Développer l’optimisme avec la réattribution causale

Une étude (méta-analyse de Malouff & Schutte, 2016) regroupant plus de 3319 participants conclue que les interventions en psychologie sont efficaces pour développer le niveau d’optimisme.

LEÇON #1 : Le niveau d’optimisme d’une personne peut évoluer et n’est pas figé.

C’est d’ailleurs la première base du travail : renvoyer à la personne l’idée que l’optimisme peut s’apprendre.

Sans cette croyance, personne n’engage d’effort en direction de quelque chose qu’il pense inchangeable.

Ce que vous trouverez dans cet article :

  1. Comment l’optimisme se développe au cours de la vie
  2. Comment on peut l’influencer et le travailler avec nos patients

+ 3 documents pdf pratiques à la fin de l’article pour vous et pour le patient pour travailler l’optimisme

Cet article fait suite à un article introductif à lire avant de savoir comment développer l’optimisme.

Comment devient-on optimiste ?

En psychologie, nous avons l’habitude de raisonner avec un modèle à 3 niveaux d’interaction : biologiques, psychologiques et sociaux.

Facteurs biologiques

Une tendance au pessimisme

Une part du niveau d’optimisme serait biologique, des études estiment que 25% de sa variance serait expliquée par la génétique.

De manière générale, nous avons tendance à accorder plus de poids aux évènements négatifs ou menaçants qu’aux évènements positifs.

Et ceci pour une simple question de survie.

illustration métaphorique de la résilience

Dans un milieu hostile, il est préférable d’anticiper les risques pour être prudent et s’y préparer plutôt que d’imaginer que tout se passera bien et se faire avoir.

L’anxiété et l’inquiétude sont ainsi des mécanismes hautement adaptatifs.

Aujourd’hui notre environnement actuel est moins à risque de vie ou de mort que celui dans lequel nos ancêtres ont évolué.

Nous pouvons remercier la médecine, les infrastructures, et la diminution de la violence au cours des siècles.

Cependant, nous continuons de nous appuyer sur un cerveau qui a été façonné dans un environnement plus hostile.

Même si l’environnement a changé, notre cerveau ne s’est pas mis à jour et continue de se focaliser plus souvent sur ce qui se passe mal que ce qui se passe bien.

Facteurs psychologiques et sociaux

Dans l’article précédent sur le résume du livre la force de l’optimisme, j’expliquais comment notre façon d’expliquer le passé influence notre manière d’anticiper le futur.

Si des causes générales et durables sont utilisées (j’ai échoué cette épreuve de maths, car je suis un bon à rien) plutôt que des causes spécifiques (j’ai échoué, car je n’avais pas la bonne méthode de révision), alors la personne va penser que l’échec va se reproduire.

Ce type d’interprétation contribue à condamner le futur et à générer une réponse de résignation dans le présent (je serais toujours un bon à rien, donc je ne peux pas changer ce qui va m’arriver).

Apprentissage par observation

La manière dont nous anticipons le futur (optimisme direct) et dont nous expliquons les échecs et réussites du passé (optimisme indirect) se développe dans l’enfance.

LEÇON #2 : L’enfant apprend à devenir optimiste ou pessimisme notamment en observant comment ses parents anticipent le futur et expliquent le passé..

Seligman montre qu’il existe une similitude forte entre le style explicatif de la mère et celui de l’enfant.

illustration apprendre à être optimiste par observation

Si les figures d’attachement s’inquiètent régulièrement concernant le futur et qu’ils expliquent les échecs par des causes durables et générales, il y a des chances que l’enfant fonctionne pareil.

C’est la forme d’apprentissage la moins coûteuse : copier-coller le fonctionnement de l’autre.

Cela évite à l’être humain de toujours fonctionner par essais et erreurs en reprenant les conclusions déjà faites par les personnes de confiance.

L’enfant en développement construit aussi ses croyances sur lui, les autres et le futur à partir de ses événements de vie.

  • S’il vit des périodes de difficultés qui finissent par passer, il pourra construire la croyance que les difficultés sont temporaires.
  • A l’inverse, un enfant confronté à un contexte difficile persistant pourra développer la croyance que les difficultés sont durables.

Certains événements historiques ou personnels peuvent nous apprendre que le négatif est durable et global. (Exemple : si un parent meurt quand on est jeune et que l’autre parent tombe en dépression chronique ; si une crise géopolitique compliquée ne s’arrête pas…)

Apprentissage par les retours

LEÇON #3 : La façon dont les personnes significatives (parents, enseignants, amis, conjoint…) donnent des retours à l’enfant contribue à forger sa manière à lui d’expliquer les évènements.

Si les retours des personnes pour expliquer les difficultés se font autour de causes internes, durables et globales (Tu es maladroit, Tu es un incapable…), il y a de grands risques pour que l’enfant internalise ce type d’explication causale.

illustration optimisme

A l’inverse, si les causes concernent des aspects spécifiques, temporaires et contrôlables (« en faisant plus attention ou plus d’efforts, tu réussiras mieux ») : ce n’est pas l’identité de la personne qui est identifiée comme le problème, mais la stratégie ou le comportement.

Les études de Carole Dweck indiquent d’ailleurs que selon le sexe de l’enfant, les retours sont différents.
  • Aux garçons qui échouent, les retours se font plus souvent sur des causes temporaires et spécifiques (l’effort, l’attention).
  • Alors que pour les filles, les causes invoquées sont plus globales et durables (« Tu n’es pas faite pour l’arithmétique », « Tu ne fais jamais comme il faut »).

Comment devenir optimiste ?

Avec quels patients cibler l’optimisme ?

L’optimisme devient un outil intéressant :

  • Dès qu’on souhaite soutenir une amélioration du bien-être et de la résilience (patients souffrant de dépression, d’anxiété…) : l’optimisme protège de la dépression et de l’anxiété et contribue à développer la résilience face aux évènements négatifs.
  • Dès qu’on souhaite soutenir plus d’engagement dans l’action et la performance : penser que les objectifs sont accessibles dans le futur invite à s’engager de manière plus active dans cette direction. A l’inverse, le pessimisme amène plus souvent des réactions passives et un abandon.

L’optimisme est une cible thérapeutique utile pour les patients souffrant d’anxiété et de dépression, mais aussi chez les personnes visant une meilleure performance (élève, sportif, professionnel…).

  • Les patients ayant de l’anxiété imaginent un futur catastrophique et évitent de sortir de leur zone de sécurité pour éviter les dangers anticipés.
  • Les patients souffrant de dépression imaginent un futur fade et n’engagent pas beaucoup d’effort ou d’énergie pour créer le futur qu’ils souhaitent, car ils l’imaginent impossible.

Comment travailler l’optimisme ?

LEÇON #4 : Un axe pour développer l’optimisme est la métacognition.

Vous connaissez la méta-communication ?

C’est la capacité de parler de la relation elle-même plutôt que des sujets externes (le beau-temps…).

Afin de réguler et influencer la relation dans une direction qui convient mieux à chaque partie.

La méta-cognition c’est un peu pareil, mais concernant nos pensées elle-même.

C’est la capacité d’observer notre fonctionnement mental (notre style de pensée et d’interprétation par exemple), afin de l’influencer et de le réguler.

Savoir prendre du recul sur nos pensées plutôt que les considérer comme étant équivalentes à la réalité permet d’être moins réactifs à nos pensées.

Autrement dit, de leur donner moins de pouvoir sur notre comportement.

Cela contribue à renforcer la flexibilité psychologique, un espace de liberté intérieure qui aide à adopter plusieurs perspectives sur une situation et sur des scénarios futurs.

Cela contribue à AGIR avec perspectives et conscience face au évènement plutôt qu’à REAGIR automatiquement.

Points clefs de l’intervention

Pour accompagner les patients sur l’optimisme, il est nécessaire de créer une bonne alliance et de ne pas juger ou disqualifier leur tendance au pessimisme.

Il ne s’agit pas non plus de prendre la place du juge qui leur dit ce qu’il faudrait penser.

En prenant cette posture, le professionnel aurait un style contrôlant, il tenterait d’imposer ou de faire à la place de l’autre.

On a tous essayé et ça ne marche pas bien.

Dans ces conditions, le patient se fait complice de son schéma pessimiste et le justifie pour rappeler au professionnel qu’il est libre de fonctionner comme il le désire.

Il ne s’agit donc ni de lutter contre ce schéma, ni de le renforcer, mais d’adopter une posture de neutralité bienveillante et curieuse.

Il s’agit d’abord d’accepter que notre patient fonctionne de cette manière-là.

Tout en lui permettant de prendre un recul sur son propre fonctionnement et lui laisser la possibilité de le changer s’il juge que son pessimisme est devenu trop coûteux, mais cela reste son choix.

Passe de la compréhension à l’intégration
avec les prochaines formations


Intervention de réattribution causale

L’intervention classique de Réattribution causale est issue des thérapies cognitives et comportementales.

La réattribution causale consiste à accompagner les patients pour leur permettre d’envisager d’autres interprétations causales moins limitantes que celles qu’ils ont tendance à utiliser.

Selon Seligman, les interventions de réattribution causale présentent un avantage par rapport à l’utilisation seule d’antidépresseurs dans le traitement de la dépression.

En facilitant un style explicatif optimiste, les patients rechutent moins que des patients qui gardent un style explicatif pessimiste et uniquement traités par médicament.

En effet, face aux prochaines difficultés de vie, le style explicatif optimiste est plus à même de générer une réaction de résilience par coping adaptatif et actif et une réaction émotionnelle moins intense.

La première étape de la réattribution causale est que le professionnel développe un radar sensible à explication causale, il doit s’entraîner à écouter les patients en se demandant :

Comment explique-t-il les difficultés et les réussites ?
Utilise-t-il des causes internes ou externes ?
Des causes durables ou temporaires ?
Ou encore des causes spécifiques ou globales ?

Grâce à son radar interne, le professionnel va aider le patient à repérer ses propres interprétations en séance.

En-dehors des séances, il peut ensuite lui proposer de tenir un journal quotidien dans lequel il note les situations, ses interprétations et ses réactions (émotionnelles et comportementales).

Les 2 bénéfices de ce type de pratique :

  • Intégrer que ce ne sont pas uniquement les situations qui déclenchent les réactions émotionnelles et comportementales, mais aussi la manière de les interpréter.
    Cela ouvre une marge de liberté intérieure pour influencer nos réactions et ne pas se percevoir comme uniquement déterminé par l’environnement.
  • Prendre conscience de son style interprétatif : c’est-à-dire des causes qu’il utilise pour expliquer le monde et des effets que cela a sur son comportement.

Une fois que le patient arrive à repérer sa manière singulière d’expliquer le monde, on peut lui proposer des pratiques pour l’aider à gagner en flexibilité interprétative.

Autrement dit, de développer la capacité d’adopter des interprétations moins stéréotypées et moins rigides.

Si le patient présente une rigidité du style explicatif, c’est-à-dire une tendance à expliquer des événements différents par des mêmes causes, alors nous souhaitons lui permettre d’assouplir cette rigidité sur les 3 niveaux de causalité.

  • Lieu : Si le patient n’utilise que des causes internes aux échecs, nous souhaitons lui permettre d’envisager plus de causes externes.
  • Temps : Si le patient n’utilise que des causes durables aux échecs, nous souhaitons lui permettre de voir ce qu’il y a de temporaire.
  • Espace : Si le patient n’utilise que des causes généralisées aux échecs, nous souhaitons l’amener à voir ce qu’il peut y avoir de spécifique au contexte.
illustration contraste entre optimisme et pessimisme

Dans ma manière de travailler la réattribution causale, je distingue 3 étapes :

  • Faire prendre conscience des explications causales : « Si j’ai bien compris ce que vous m’avez dit, l’explication que vous donnez à cette rupture est que vous ne percevez aucune valeur en vous pour attirer durablement quelqu’un. Il s’agit d’une cause très interne, vous êtes le seul responsable. D’une cause durable et globale, à priori, ce sera toujours comme ça, car c’est qui vous êtes. Est-ce bien ça ? »
  • Prendre conscience des effets que cela produit : « Le fait de percevoir votre rupture comme étant lié à un problème de valeur personnelle, quel effet cela a sur la manière dont vous vous sentez ? Et sur la manière dont vous réagissez ? Et sur la manière dont vous envisager vos prochaines relations ? … Diriez-vous que ça vous aide à avancer ou que ça vous empêche d’avancer ? » 
  • Envisager d’autres explications causales : « Au vu des effets majeurs que cette explication entraîne sur vous, il me paraît important qu’on prenne le temps ensemble d’envisager les autres explications possibles. Selon vous, quelles explications, autres que votre absence de valeur, seraient pertinentes ? » « Quels facteurs externes ont pu jouer ? », « Quels facteurs spécifiques à cette relation ont pu jouer ? » « Quels facteurs spécifiques à cette période ont pu jouer ? », « Si votre meilleur ami était à votre place, comment aurait-il expliqué cette rupture ? », « Et votre ex-compagne ? », « Et un inconnu ? », « Et si vous étiez à ma place de thérapeute, comment expliqueriez-vous cette rupture ? »

Les documents pour travailler l’optimisme

Je vous partage 3 documents que j’ai créés pour travailler avec mes patients l’optimisme, mais aussi pour enseigner ces compétences auprès des étudiants du Diplôme Universitaire de Psychologie Positive (Université Grenoble Alpes).

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Joran Farnier

Joran Farnier

Psychologue, enseignant, formateur

Passionné par la psychologie, j’ai fondé l’Institut de Psychologie Positive Appliquée pour faire le pont entre les recherches et la pratique de terrain.

Nous formons les professionnels de l'accompagnement pour leur permettre d'exercer avec plus de clarté, d'efficacité et de confort dans un métier complexe.



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14 commentaires sur “Développer l’optimisme avec la réattribution causale

  1. Jusqu’à maintenant je zapais ces mail car je ne prennais pas le temps de les lire mais là franchement je suis bluffé bravo c’est très instructif et ça va beaucoup m’aider avec mes clients
    MERCI

    1. Merci Nathalie, ça me fait plaisir de lire ton commentaire, et de bénéficier du regard appréciatif de la part de confrère que j’estime.

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